Un système arbitraire,
injuste et inefficace.
Avec une augmentation du salaire national de base (SNB) inférieure à l’inflation, des taux d’avancements au choix en baisse dans la quasi-totalité de la branche des IEG… difficile de rester motivé en ces temps de disette, alors que la charge de travail augmente. Certains pourraient imaginer se rattraper sur les rémunérations variables, c’est-à-dire les primes liées aux objectifs. Qu’ils ne se fassent pas trop d’illusions, même si depuis une vingtaine d’années toutes ces primes prennent une part de plus en plus importante dans la rémunération globale.
Dans les IEG, selon les entités, elles s’appellent : Rémunération de la Performance Contractualisée des Cadres et Maîtrises (RPCC et RPCM), Rétribution de la Charge de Travail et des Déplacements » pour les cadres (RCTD)… Réservé dans un premier temps aux cadres, ce mode de rémunération gagne du terrain puisqu’il s’étend désormais aux agents de maîtrise, voire aux agents d’exécution dans certaines entités (comme à EDF Commerce avec la Rémunération Variable Individuelle). Selon les entreprises, ces primes représentent de 5 à 20 % de la rémunération fixe, soit 3 mois de salaire, entraînant de fait des écarts grandissants entre agents et entre collèges.
DES PRIMES QUI REPRÉSENTENT DE 5 À 20 % DE LA RÉMUNÉRATION (SOIT 3 MOIS DE SALAIRE)
NE PAS CONFONDRE Rémunérations variables de la performance :
- Avec les rémunérations dites « complémentaires » : qui sont d’une autre nature puisqu’elles touchent à l’indemnisation d’une contrainte de service,
- Avec les rémunérations variables collectives que sont l’intéressement, la participation. Rappelons que les inconvénients majeurs de ces trois primes sont la variabilité, le faible taux de cotisations sociales, et qu’en plus, la prime aux objectifs met la pression sur chaque individu.
UNE FORME DE RÉMUNÉRATION QUI INTERROGE
Faute d’un rapport de forces suffisant pour obtenir des augmentations générales des salaires à la hauteur de leur investissement, il est évident que les salariés se contentent de ces primes pour « mettre du beurre dans les épinards »… Pourtant personne n’est dupe comme en témoigne le dernier sondage Via Voice/Ufict1. Si la quasi-totalité des agents de maîtrise et des cadres sont favorables à des augmentations générales de salaire, à peine un sur deux est favorable à l’octroi de primes pourtant plébiscitées par les employeurs pour pousser à atteindre les objectifs et récompenser les meilleurs. Ces primes sont vécues d’une toute autre manière par les salariés, et différents théoriciens du management ont démontré que le salaire variable n’avait pas d’effet de longue durée. Car toute somme supplémentaire versée est très rapidement considérée comme acquise par le salarié. Toute diminution sera donc vue comme une sanction conduisant, au contraire, à une démotivation. Il y a donc un « effet cliquet » qui conduirait à toujours verser plus, pour obtenir un effet d’engagement tangible et durable.
A PEINE UN ICT SUR DEUX EST FAVORABLE À L’OCTROI DE PRIMES
Donc, en dehors des métiers très spécifiques (vendeurs, traders…), les rémunérations variables sont distribuées de façon très lissée et très peu « variable ». D’autre part, vouloir atteindre à tout prix des objectifs individuels peut nuire au travail collectif en négligeant les interfaces entre les équipes et en exacerbant une compétition individuelle très malsaine.
DES CRITÈRES OPAQUES ET DÉMOTIVANTS
Conscientes des limites du système, certaines entreprises tentent de justifier le bien-fondé et la pertinence des critères d’attribution de cette rémunération à la performance dans des pseudo concertations. Mais la réalité s’impose, et les critères restent subjectifs, qui plus est fondés sur le savoir- être. L’attribution est réalisée dans la plus totale opacité,et dans les IEG, les taux « repères » d’attributions des primes en fonction des qualifications sont injustes, car plus les salariés ont une qualification élevée, plus le taux repère est élevé. Ainsi à Enedis, le taux repère moyen diminue de 12,5 % (plage A), à 7 % (plage E), et 5 % (plage G). Cette différenciation des taux interroge car elle oppose les catégories entre elles.
UN MOYEN DE RÉTORSION INDIVIDUEL ET UN OUTIL D’AJUSTEMENT SALARIAL
Comme l’employeur n’a pas le droit de baisser les salaires fixes en fonction des résultats ou de la santé de l’entreprise, il a trouvé une parade par le biais du salaire variable. Il l’utilise donc comme un outil d’ajustement salarial en fonction des résultats de l’entreprise. Dans certaines entreprises des IEG, la masse salariale affectée pour l’année aux parts variables dépend d’objectifs globaux opaques. En général, le variable est très peu fluctuant individuellement, sauf pour sanctionner le salarié, et c’est bien là tout l’enjeu pour l’employeur. Cette méthode de rémunération ne sert donc pas tant à doper l’engagement, mais à obtenir une population docile en se dotant d’un moyen de rétorsion très efficace. Il est clair que la possibilité de se voir retirer ce complément de salaire agit comme un levier de soumission très important.
LE VARIABLE EST SURTOUT UN MOYEN DE RÉTORSION EFFICACE
Mais l’autre gros avantage pour les employeurs est que ce variable est soumis à moins de cotisations sociales, c’est-à-dire moins de financement de la Sécurité Sociale, des retraites. Ce sont donc les salariés les grands perdants de cette stratégie de rémunération variable parfaitement pensée par les employeurs !
LES PROPOSITIONS UFICT POUR RECONNAÎTRE LE TRAVAIL ET L’INVESTISSEMENT DES SALARIÉS
L’Ufict-CGT défend la reconnaissance de l’investissement, de l’engagement et du travail réalisé par les salariés, mais de manière objective et pérenne. Le système actuel de classification rémunérations, bien qu’imparfait, permet d’agir en ce sens. Ainsi, un avancement au choix, ou « augmentation individuelle », récompense le travail accompli, reconnaît le professionnalisme, la maîtrise de son emploi. Tout comme obtenir une promotion interne par postulation sur un poste à plus grandes responsabilités. Et toutes ces évolutions sont contrôlées collectivement par le biais des Commissions Secondaires du Personnel. Mais pour les employeurs, ce système est bien entendu trop contraignant ! Ils maintiennent donc des augmentations générales à un niveau très bas, limitent fortement les possibilités d’avancements ou de reclassements, afin d’accroître la part de la rémunération variable sur chaque salarié. Pour l’Ufict-CGT, si les salariés sont perdants avec la
rémunération variable, le sujet reste délicat… et chaque année, des organisations syndicales communiquent et font des propositions ubuesques en la matière. L’Ufict- CGT est opposée à ces « compléments de salaire ». Néanmoins… elles existent ! Il faut donc continuer de rappeler les raisons de leur nocivité, et porter des propositions alternatives, comme : inclure ce variable dans le salaire principal, revaloriser le salaire national de base, augmenter le taux d’avancements au choix. Ces mesures apporteraient une plus grande sécurité dans le temps (pas de risque de baisse, prise en compte dans le calcul de la SS et de la retraite) et une moindre pression et d’arbitraire. Et s’il restait encore une part de variable, il serait nécessaire d’en clarifier les règles de distribution et de rendre transparent ce mode de calcul, conformément d’ailleurs à la loi, souvent peu respectée en la matière. Cela passerait par la définition précise des objectifs, un entretien contradictoire sur les résultats avec possibilité de recours et l’éventuel appui d’un représentant du personnel, une règle de proportionnalité objectifs atteints/ prime, avec un contrôle par le CSE et les CSP du dispositif d’entretien-notation-attribution du bonus, ainsi que de la masse salariale distribuée (évolution, répartition par niveau de classement, répartition femmes-hommes…). Il s’agit réellement d’une question de fond et de positionnement afin de défendre les intérêts individuels et collectifs des salariés, tout en dénonçant ce système de rémunération variable arbitraire, injuste et inefficace.